L'UX : c'est quoi et pourquoi ?

L’UX : c’est quoi et pourquoi ?

Sommaire
  1. Un métier en trois cliques ?
  2. OK, mais pour quelle fina­lité ?
  3. Un dollar investi en rapporte cent ?

Au début des années 2010, je plon­geais dans ce qu’on appelle aujourd’­hui L’UX. Et si le terme est désor­mais « connu de tous », il est passé d’in­connu à buzz­word. Sauf qu’on ne sait toujours pas pourquoi les entre­prises recherchent des UX desi­gners (ne le sachant pas souvent elles-mêmes). Ah si, il paraî­trait qu’un dollar investi dans l’UX en rapporte cent. Mythe ou réalité, il est temps de faire un point.


En l’es­pace de 48h, j’ai remarqué que la percep­tion de l’UX auprès des non initiés n’avait pas beau­coup évolué depuis ces huit dernières années. D’un côté une étudiante en design graphique ne compre­nait pas pourquoi il existe des forma­tions sur plusieurs années plutôt qu’un « module d’une semaine qui pour­rait suffire ». Et de l’autre un proche qui, bien que fort de son soutien, ne compre­nait malgré tout toujours pas la fina­lité et donc l’in­té­rêt pour une entre­prise ou un projet de dispo­ser d’un desi­gner sensi­bi­lisé à l’UX & co.

Vous remarque­rez que je n’em­ploie­rai désor­mais plus le terme d’"UX desi­gner". De long débats m’ont ammené à dépla­cer mon point de vue sur le sujet. Mais cela fera l’objet d’un prochain article !

Un métier en trois cliques ?

Ah si pour le même salaire je n’avais qu’à cliquer sur un bouton, mes jour­nées seraient certai­ne­ment très rentables, mais aussi bien ennuyeuses. Travailler pour l’uti­li­sa­teur, c’est bien plus qu’é­ta­blir trois person­nae issus de son imagi­naire (pour ne pas dire de préju­gés). C’est bien plus que de faire une expé­rience map et des wire­frames. Tiens … Quand on en parle, on se rend déjà compte que l’image qu’on se fait du métier repose prin­ci­pa­le­ment sur ses livrables. OK, mais pourquoi ?

Pour expliquer l’in­té­rêt de toujours se ques­tion­ner sur le pourquoi les choses sont faites ainsi (révé­lant souvent une mauvaise justi­fi­ca­tion, et donc une remise en cause néces­saire), je pense à cette histoire qu’un déve­lop­peur donnait pour expliquer les règles complexes pour les champs mots de passe.

La petite histoire des singes dans une cage :

Imagi­nons qu’on mette des singes reliés à des élec­trodes dans une cage avec une banane en son centre. Lorsque l’un d’eux tente de prendre la banane, tous les singes subissent une décharge élec­trique. Les autres s’en pren­dront alors au singe qui voulait prendre la banane. Logique, c’est sa faute, non ?

Chaque fois que les singes se sont fait élec­tro­cu­tés ou se sont battus pour empê­cher le nouveau de prendre la banane, un des singes est remplacé par un nouveau. Le nouveau singe cher­chera à prendre la banane, et les autres l’at­taque­ront pour l’en empê­cher. Et ainsi desuite.

A la fin, tous les singes ont été rempla­cés au moins une fois. Lorsque le dernier singe entre dans la cage et tente de prendre la banane, tous les singes lui saute­ront dessus pour l’en empê­cher. Mais aucun ne sait pourquoi.

La morale de cette histoire, c’est que parfois personne ne sait pourquoi une chose est faite, et encore moins comment elle doit être faite. Et acces­soi­re­ment, toutes les espèces animales ne sont pas bien éloi­gnées à ce niveau là. D’ailleurs pour la petite histoire, une phrase s’avère souvent bien plus sécu­ri­sée qu’un mot de passe entre 8 et 16 carac­tères compo­sés d’une minus­cule, d’une majus­cule, de trois chiffres et d’un carac­tère spécial … Ah … !

La base de notre métier, repose sur l’ac­cep­ta­tion de remettre en cause, de douter, et par consé­quent de ques­tion­ner. Explo­rer, recher­cher des problé­ma­tiques et des réponses, ça ne se fait pas avec ce que le fils du patron a dit (j’ai encore entendu le cas il y a deux jours). Et cette partie recherche, elle n’est pas simple. Il faut être capable d’iden­ti­fier et de pous­ser une inter­ro­ga­tion pour outre passer les biais, et vrai­ment être en mesure de comprendre le point de vue de l’uti­li­sa­teur. Il faut creu­ser et s’adap­ter à de nombreuses situa­tions.

Alors non, les petites forma­tions à la semaine ne feront pas de vous des maîtres en la matière. Et ce n’est pas en faisant trois person­nae et deux wire­frames avec votre client que vous devien­drez des experts en la matière. Se former prends du temps, et même avec une longue forma­tion, l’ac­qui­si­tion d’ex­pé­rience est indis­pen­sable.

Et si je parle aujourd’­hui d’ex­plo­ra­tion, l’éta­blis­se­ment d’une hypo­thèse, la propo­si­tion d’une solu­tion et la vali­da­tion de celle-ci font égale­ment partie de notre travail. Alors non, notre métier n’est pas facile et il demande de l’in­ves­tis­se­ment pour y arri­ver.

NB : Étant donné que je suis moi même issu d’une forma­tion dédiée et d’une certaine expé­rience, on serait vite tenté de dire que mon avis est biaisé. Pour­tant, malgré ces huit ans dans le domaine, je consi­dère que j’ai toujours à apprendre pour m’amé­lio­rer dans l’exer­cice de mon acti­vité. D’autre part, je ne rejette pas les forma­tions rapides que mes confrères délivrent. C’est toujours mieux que rien et je suis très heureux que des profes­sion­nels de tout bord s’y inté­resse ! Mais il faut être conscient que ce métier est plus impor­tant en terme de charges qu’il n’en a l’air. Et si tout le monde peut y être sensi­bi­lisé, tout le monde ne peut pas l’exer­cer du jour au lende­main.

OK, mais pour quelle fina­lité ?

Savoir que notre métier est complexe est une chose. Mais savoir pourquoi nous l’éxerçons en est une autre. Et c’est exac­te­ment la ques­tion qui se posait il y a à peine quelques jours.

J’ai­me­rais pouvoir solli­ci­ter mes déci­deurs à prendre un UX parce que je sens que c’est impor­tant, mais si je vois à peu près ce que tu fais, je ne sais pas encore très bien à quoi ça sert … Dans quel but l’en­tre­prise devrait te prendre ? Quel apport indis­pen­sable peux-tu avoir ?

Je vous rassure, cet article n’a pas pour voca­tion à me faire embau­cher où que ce soit, mais je trou­vais la ques­tion parti­cu­liè­re­ment perti­nente.

Il y a quelques années déjà, pour un projet numé­rique, il fallait recru­ter une équipe compo­sée d’un déve­lop­peur, d’un graphiste, et d’un chef de projet/commer­cial/… et de quelques autres jobs estam­pillés. Aujourd’­hui le desi­gner en charge de l’ex­pé­rience de l’uti­li­sa­teur est venu se gref­fer à une liste de prérequis déjà établis. Sauf qu’on ne sait pas vrai­ment pourquoi. On sait juste que c’est bien, et qu’il va sauver le projet et qu’il est donc indis­pen­sable. Mais on ne sait toujours pas pourquoi exac­te­ment (cf. l’his­toire des singes dans une cage).

En ce qui concerne la fina­lité de travailler l’ex­pé­rience, il est temps de faire un point. Je ne voudrais pas faire de l’ombre au marke­ting à l’an­cienne, mais le remède magique à tous les problèmes n’existe toujours pas. Et l’UX, ce n’est pas une solu­tion magique non plus.

Il existe plusieurs cas pour lesquels des entre­prises peuvent faire appel à une personne qui appron­fon­dira cet aspect d’une solu­tion ou d’un service, ou même de l’ex­pé­rience globale de l’en­tre­prise. Et ces cas sont bien diffé­rents les uns des autres.

Pour la déon­to­lo­gie

Des discus­sions que j’ai avec mes confrères, la déon­to­lo­gie fait bien souvent partie des raisons primaires pour lesquelles nous en sommes venus à exer­cer ce métier. Et une entre­prise est tout à fait en droit de s’y inté­res­ser (bien que cet aspect ne soit souvent que d’un inté­rêt commer­cial pour celle-ci, via la commu­ni­ca­tion).

Nous travaillons pour l’uti­li­sa­teur, et pas seule­ment avec. Notre inté­rêt porte notam­ment sur la réduc­tion des frus­tra­tions, la faci­li­ta­tion des tâches, la satis­fac­tion des personnes (parce que qui n’aime pas être heureux ?).

La déon­to­lo­gie dans l’UX est parti­cu­liè­re­ment inté­res­sante dans le cadre d’as­so­cia­tion, de services admi­nis­tra­tifs et toutes les enti­tés qui n’ont pour voca­tion que le service de l’uti­li­sa­teur.

Sauf que tout ceci étant bien beau, les entre­prises à objec­tif écono­mique ne dépensent pas des milliers d’eu­ros que pour seule­ment satis­faire ses clients. Ce n’est souvent qu’une étape inter­mé­diaire plus ou moins indis­pen­sable à la vente de leur solu­tion.

D’ailleurs, notre métier peut parfois être exploité à l’op­posé de la déon­to­lo­gie. Je pense notam­ment aux dark patterns qui se basent sur la connais­sance de l’uti­li­sa­teur. Mais j’ai une théo­rie person­nelle selon laquelle se jouer des personnes finit toujours par se retour­ner contre soi.

Pour des gains finan­ciers

Rappe­lons le, l’un des initia­teurs du mouve­ment de l’UX est Don Norman lorsqu’il a travaillé pour Apple. D’autres en parlaient aupa­ra­vant en d’autres termes, mais ce qui nous inté­resse ici est le cadre dans lequel notre métier est apparu aux yeux du « grand public » : pour le design d’objets et de services.

La raison de cet engoue­ment des entre­prises pour l’UX provient notam­ment de son aspect finan­cier. Le retour sur inves­tis­se­ment peut cepen­dant appa­raître à plusieurs échelles tant sur les dépenses que les gains eux-mêmes. En bref, l’UX permet d’aug­men­ter le revenu d’une entre­prise.

En effet, la satis­fac­tion des utili­sa­teurs a plusieurs consé­quences sur les gains d’une entre­prise. Mais concrè­te­ment, qu’est-ce que cela apporte ? Et quels sont les indi­ca­teurs que nous pouvons prendre en consi­dé­ra­tion ?

Lors de mes études, j’as­sis­tais à un cours de gestion d’en­tre­prise. On nous ensei­gnait alors qu’il existe plusieurs manières pour une entre­prise de s’in­té­grer et de persis­ter sur un marché :

  • par la démar­ca­tion de coût, en propo­sant une tari­fi­ca­tion moins élevée. Mais ce n’est pas un point auquel l’UX a un apport direct, bien que cela puisse jouer via la réduc­tion des charges de R&D et de déve­lop­pe­ment. Nous en repar­le­rons.
  • par la démar­ca­tion de fonc­tion­ne­ment et l’ap­proche du produit lui-même en vue d’aug­men­ter le taux d’adop­tion et de fidé­li­sa­tion des utili­sa­teurs, qui est l’in­té­rêt premier de l’UX pour les entre­prises.

Nous retrou­vons dans un premier temps l’aug­men­ta­tion du taux d’adop­tion qui se décline par les early adop­ters tout autant qu’au long terme grâce au bouche à oreille que la satis­fac­tion engendre. Il est cepen­dant diffi­cile d’es­ti­mer si l’adop­tion est liée à une simple expé­rience satis­fai­sante ou grâce à la commu­ni­ca­tion de l’en­tre­prise. Et c’est ici que la déon­to­lo­gie a égale­ment un apport.

En effet, s’in­té­res­ser unique­ment au taux d’adop­tion ne permet pas de déter­mi­ner si le travail réalisé a été bien fait. Il est impor­tant de s’in­té­res­ser au taux d’aban­don, qui lui est bien plus effi­cace dans notre travail puisqu’il nous permet de rele­ver les problé­ma­tiques à résoudre, et donc de reva­lo­ri­ser le produit.

Ensuite, nous retrou­vons la réduc­tion des coûts, par une recherche métho­dique et un déve­lop­pe­ment ciblé de la solu­tion. En d’autres termes, il s’agit de savoir pourquoi et comment les choses doivent être faites. Et ceci a un impact impor­tant sur les coûts de produc­tion. Pour avoir travaillé à plusieurs reprises pour des marchés publics, j’ai remarqué que les fonds inves­tis étaient souvent bien supé­rieures aux dépenses du privés malgré les restric­tions de budget. La raison ? L’ina­dap­ta­tion des services propo­sés néces­si­taient des refontes régu­lières, dont aucune n’était basée sur une recherche appro­fon­die des besoins.

Un produit peu adapté et peu satis­fai­sant aura par exemple plus de diffi­cul­tés à se vendre. Et il faudra faire davan­tage d’ité­ra­tions pour obte­nir un résul­tat appro­chant les attentes des utili­sa­teurs. Le travail de recherche dans l’UX a cet avan­tage. Il permet de déter­mi­ner avec préci­sion les leviers jouant sur la satis­fac­tion des utili­sa­teurs. Ainsi, nous pouvons réduire les coûts de déve­lop­pe­ment de la solu­tion en évitant les choix basés sur les préju­gés et les erreurs d’im­pré­ci­sion.

Un dollar investi en rapporte cent ?

Peut-on déter­mi­ner avec préci­sion qu’un dollar investi en rapporte cent avec tous les points abor­dés ci-dessus ? Je n’en suis pas convaincu. Et l’agence Arquen en parle très bien dans son article sur les raisons d’in­ves­tir dans l’UX. Il ne s’agit ici que d’une esti­ma­tion, et seules les études ciblées sur des points précis relèvent l’in­té­rêt de l’UX dans sa globa­lité.

On peut notam­ment rajou­ter que ce travail a égale­ment un impact sur la satis­fac­tion des employés d’une entre­prise, puisque les déci­sions prises sont étudiées et réflé­chies. Ainsi, les éter­nels débats au sein des socié­tés de comment un produit doit être déve­loppé sont tran­chés. Et qui dit plus de satis­fac­tion des sala­riés, dit plus de perfor­mance, et donc moins de coûts.

Fait amusant, je parlais déjà de la satis­fac­tion tri-partite (utili­sa­teurs, client, pres­ta­taire) dans les agences à l’aide de soutions étudiées via les méthodes dont nous dispo­sons en UX. C’était il y a plus de trois ans. Et il semble­rait que ce sujet soit toujours d’ac­tua­lité.


J’es­père que cet article vous permet­tra de démys­ti­fier quelques peu l’UX et son inté­rêt. L’idée n’étant pas de vous vendre son abso­lue néces­sité, mais bien de vous faire comprendre la raison pour laquelle un spécia­liste de l’UX doit être embau­ché. J’es­père donc que mon humble parti­ci­pa­tion vous aidera à comprendre l’in­té­rêt de l’UX, mais égale­ment à mieux l’in­té­grer au sein de votre entre­prise.