L’UX : c’est quoi et pourquoi ?
Au début des années 2010, je plongeais dans ce qu’on appelle aujourd’hui L’UX. Et si le terme est désormais « connu de tous », il est passé d’inconnu à buzzword. Sauf qu’on ne sait toujours pas pourquoi les entreprises recherchent des UX designers (ne le sachant pas souvent elles-mêmes). Ah si, il paraîtrait qu’un dollar investi dans l’UX en rapporte cent. Mythe ou réalité, il est temps de faire un point.
En l’espace de 48h, j’ai remarqué que la perception de l’UX auprès des non initiés n’avait pas beaucoup évolué depuis ces huit dernières années. D’un côté une étudiante en design graphique ne comprenait pas pourquoi il existe des formations sur plusieurs années plutôt qu’un « module d’une semaine qui pourrait suffire ». Et de l’autre un proche qui, bien que fort de son soutien, ne comprenait malgré tout toujours pas la finalité et donc l’intérêt pour une entreprise ou un projet de disposer d’un designer sensibilisé à l’UX & co.
Vous remarquerez que je n’emploierai désormais plus le terme d’"UX designer". De long débats m’ont ammené à déplacer mon point de vue sur le sujet. Mais cela fera l’objet d’un prochain article !
Un métier en trois cliques ?
Ah si pour le même salaire je n’avais qu’à cliquer sur un bouton, mes journées seraient certainement très rentables, mais aussi bien ennuyeuses. Travailler pour l’utilisateur, c’est bien plus qu’établir trois personnae issus de son imaginaire (pour ne pas dire de préjugés). C’est bien plus que de faire une expérience map et des wireframes. Tiens … Quand on en parle, on se rend déjà compte que l’image qu’on se fait du métier repose principalement sur ses livrables. OK, mais pourquoi ?
Pour expliquer l’intérêt de toujours se questionner sur le pourquoi les choses sont faites ainsi (révélant souvent une mauvaise justification, et donc une remise en cause nécessaire), je pense à cette histoire qu’un développeur donnait pour expliquer les règles complexes pour les champs mots de passe.
La petite histoire des singes dans une cage :
Imaginons qu’on mette des singes reliés à des électrodes dans une cage avec une banane en son centre. Lorsque l’un d’eux tente de prendre la banane, tous les singes subissent une décharge électrique. Les autres s’en prendront alors au singe qui voulait prendre la banane. Logique, c’est sa faute, non ?
Chaque fois que les singes se sont fait électrocutés ou se sont battus pour empêcher le nouveau de prendre la banane, un des singes est remplacé par un nouveau. Le nouveau singe cherchera à prendre la banane, et les autres l’attaqueront pour l’en empêcher. Et ainsi desuite.
A la fin, tous les singes ont été remplacés au moins une fois. Lorsque le dernier singe entre dans la cage et tente de prendre la banane, tous les singes lui sauteront dessus pour l’en empêcher. Mais aucun ne sait pourquoi.
La morale de cette histoire, c’est que parfois personne ne sait pourquoi une chose est faite, et encore moins comment elle doit être faite. Et accessoirement, toutes les espèces animales ne sont pas bien éloignées à ce niveau là. D’ailleurs pour la petite histoire, une phrase s’avère souvent bien plus sécurisée qu’un mot de passe entre 8 et 16 caractères composés d’une minuscule, d’une majuscule, de trois chiffres et d’un caractère spécial … Ah … !
La base de notre métier, repose sur l’acceptation de remettre en cause, de douter, et par conséquent de questionner. Explorer, rechercher des problématiques et des réponses, ça ne se fait pas avec ce que le fils du patron a dit (j’ai encore entendu le cas il y a deux jours). Et cette partie recherche, elle n’est pas simple. Il faut être capable d’identifier et de pousser une interrogation pour outre passer les biais, et vraiment être en mesure de comprendre le point de vue de l’utilisateur. Il faut creuser et s’adapter à de nombreuses situations.
Alors non, les petites formations à la semaine ne feront pas de vous des maîtres en la matière. Et ce n’est pas en faisant trois personnae et deux wireframes avec votre client que vous deviendrez des experts en la matière. Se former prends du temps, et même avec une longue formation, l’acquisition d’expérience est indispensable.
Et si je parle aujourd’hui d’exploration, l’établissement d’une hypothèse, la proposition d’une solution et la validation de celle-ci font également partie de notre travail. Alors non, notre métier n’est pas facile et il demande de l’investissement pour y arriver.
NB : Étant donné que je suis moi même issu d’une formation dédiée et d’une certaine expérience, on serait vite tenté de dire que mon avis est biaisé. Pourtant, malgré ces huit ans dans le domaine, je considère que j’ai toujours à apprendre pour m’améliorer dans l’exercice de mon activité. D’autre part, je ne rejette pas les formations rapides que mes confrères délivrent. C’est toujours mieux que rien et je suis très heureux que des professionnels de tout bord s’y intéresse ! Mais il faut être conscient que ce métier est plus important en terme de charges qu’il n’en a l’air. Et si tout le monde peut y être sensibilisé, tout le monde ne peut pas l’exercer du jour au lendemain.
OK, mais pour quelle finalité ?
Savoir que notre métier est complexe est une chose. Mais savoir pourquoi nous l’éxerçons en est une autre. Et c’est exactement la question qui se posait il y a à peine quelques jours.
J’aimerais pouvoir solliciter mes décideurs à prendre un UX parce que je sens que c’est important, mais si je vois à peu près ce que tu fais, je ne sais pas encore très bien à quoi ça sert … Dans quel but l’entreprise devrait te prendre ? Quel apport indispensable peux-tu avoir ?
Je vous rassure, cet article n’a pas pour vocation à me faire embaucher où que ce soit, mais je trouvais la question particulièrement pertinente.
Il y a quelques années déjà, pour un projet numérique, il fallait recruter une équipe composée d’un développeur, d’un graphiste, et d’un chef de projet/commercial/… et de quelques autres jobs estampillés. Aujourd’hui le designer en charge de l’expérience de l’utilisateur est venu se greffer à une liste de prérequis déjà établis. Sauf qu’on ne sait pas vraiment pourquoi. On sait juste que c’est bien, et qu’il va sauver le projet et qu’il est donc indispensable. Mais on ne sait toujours pas pourquoi exactement (cf. l’histoire des singes dans une cage).
En ce qui concerne la finalité de travailler l’expérience, il est temps de faire un point. Je ne voudrais pas faire de l’ombre au marketing à l’ancienne, mais le remède magique à tous les problèmes n’existe toujours pas. Et l’UX, ce n’est pas une solution magique non plus.
Il existe plusieurs cas pour lesquels des entreprises peuvent faire appel à une personne qui appronfondira cet aspect d’une solution ou d’un service, ou même de l’expérience globale de l’entreprise. Et ces cas sont bien différents les uns des autres.
Pour la déontologie
Des discussions que j’ai avec mes confrères, la déontologie fait bien souvent partie des raisons primaires pour lesquelles nous en sommes venus à exercer ce métier. Et une entreprise est tout à fait en droit de s’y intéresser (bien que cet aspect ne soit souvent que d’un intérêt commercial pour celle-ci, via la communication).
Nous travaillons pour l’utilisateur, et pas seulement avec. Notre intérêt porte notamment sur la réduction des frustrations, la facilitation des tâches, la satisfaction des personnes (parce que qui n’aime pas être heureux ?).
La déontologie dans l’UX est particulièrement intéressante dans le cadre d’association, de services administratifs et toutes les entités qui n’ont pour vocation que le service de l’utilisateur.
Sauf que tout ceci étant bien beau, les entreprises à objectif économique ne dépensent pas des milliers d’euros que pour seulement satisfaire ses clients. Ce n’est souvent qu’une étape intermédiaire plus ou moins indispensable à la vente de leur solution.
D’ailleurs, notre métier peut parfois être exploité à l’opposé de la déontologie. Je pense notamment aux dark patterns qui se basent sur la connaissance de l’utilisateur. Mais j’ai une théorie personnelle selon laquelle se jouer des personnes finit toujours par se retourner contre soi.
Pour des gains financiers
Rappelons le, l’un des initiateurs du mouvement de l’UX est Don Norman lorsqu’il a travaillé pour Apple. D’autres en parlaient auparavant en d’autres termes, mais ce qui nous intéresse ici est le cadre dans lequel notre métier est apparu aux yeux du « grand public » : pour le design d’objets et de services.
La raison de cet engouement des entreprises pour l’UX provient notamment de son aspect financier. Le retour sur investissement peut cependant apparaître à plusieurs échelles tant sur les dépenses que les gains eux-mêmes. En bref, l’UX permet d’augmenter le revenu d’une entreprise.
En effet, la satisfaction des utilisateurs a plusieurs conséquences sur les gains d’une entreprise. Mais concrètement, qu’est-ce que cela apporte ? Et quels sont les indicateurs que nous pouvons prendre en considération ?
Lors de mes études, j’assistais à un cours de gestion d’entreprise. On nous enseignait alors qu’il existe plusieurs manières pour une entreprise de s’intégrer et de persister sur un marché :
- par la démarcation de coût, en proposant une tarification moins élevée. Mais ce n’est pas un point auquel l’UX a un apport direct, bien que cela puisse jouer via la réduction des charges de R&D et de développement. Nous en reparlerons.
- par la démarcation de fonctionnement et l’approche du produit lui-même en vue d’augmenter le taux d’adoption et de fidélisation des utilisateurs, qui est l’intérêt premier de l’UX pour les entreprises.
Nous retrouvons dans un premier temps l’augmentation du taux d’adoption qui se décline par les early adopters tout autant qu’au long terme grâce au bouche à oreille que la satisfaction engendre. Il est cependant difficile d’estimer si l’adoption est liée à une simple expérience satisfaisante ou grâce à la communication de l’entreprise. Et c’est ici que la déontologie a également un apport.
En effet, s’intéresser uniquement au taux d’adoption ne permet pas de déterminer si le travail réalisé a été bien fait. Il est important de s’intéresser au taux d’abandon, qui lui est bien plus efficace dans notre travail puisqu’il nous permet de relever les problématiques à résoudre, et donc de revaloriser le produit.
Ensuite, nous retrouvons la réduction des coûts, par une recherche méthodique et un développement ciblé de la solution. En d’autres termes, il s’agit de savoir pourquoi et comment les choses doivent être faites. Et ceci a un impact important sur les coûts de production. Pour avoir travaillé à plusieurs reprises pour des marchés publics, j’ai remarqué que les fonds investis étaient souvent bien supérieures aux dépenses du privés malgré les restrictions de budget. La raison ? L’inadaptation des services proposés nécessitaient des refontes régulières, dont aucune n’était basée sur une recherche approfondie des besoins.
Un produit peu adapté et peu satisfaisant aura par exemple plus de difficultés à se vendre. Et il faudra faire davantage d’itérations pour obtenir un résultat approchant les attentes des utilisateurs. Le travail de recherche dans l’UX a cet avantage. Il permet de déterminer avec précision les leviers jouant sur la satisfaction des utilisateurs. Ainsi, nous pouvons réduire les coûts de développement de la solution en évitant les choix basés sur les préjugés et les erreurs d’imprécision.
Un dollar investi en rapporte cent ?
Peut-on déterminer avec précision qu’un dollar investi en rapporte cent avec tous les points abordés ci-dessus ? Je n’en suis pas convaincu. Et l’agence Arquen en parle très bien dans son article sur les raisons d’investir dans l’UX. Il ne s’agit ici que d’une estimation, et seules les études ciblées sur des points précis relèvent l’intérêt de l’UX dans sa globalité.
On peut notamment rajouter que ce travail a également un impact sur la satisfaction des employés d’une entreprise, puisque les décisions prises sont étudiées et réfléchies. Ainsi, les éternels débats au sein des sociétés de comment un produit doit être développé sont tranchés. Et qui dit plus de satisfaction des salariés, dit plus de performance, et donc moins de coûts.
Fait amusant, je parlais déjà de la satisfaction tri-partite (utilisateurs, client, prestataire) dans les agences à l’aide de soutions étudiées via les méthodes dont nous disposons en UX. C’était il y a plus de trois ans. Et il semblerait que ce sujet soit toujours d’actualité.
J’espère que cet article vous permettra de démystifier quelques peu l’UX et son intérêt. L’idée n’étant pas de vous vendre son absolue nécessité, mais bien de vous faire comprendre la raison pour laquelle un spécialiste de l’UX doit être embauché. J’espère donc que mon humble participation vous aidera à comprendre l’intérêt de l’UX, mais également à mieux l’intégrer au sein de votre entreprise.